Simultanément, sans que personne ne se soit donné le mot, tout le monde, dès le 1er janvier 1985, se met à parler des « années quatre-vingt ». Articles, analyses, synthèses, expositions… Cette véritable introspection d’une décennie en son miroir fait les beaux jours de la mode. Jamais elle n’aura été aussi à la mode.
Valeur maitresse de ce qu’on ne dénonce plus comme la société de consommation, mais qu’on célèbre comme la « société du spectacle ». Les années quatre-vingt commencent vers 1978, avec la fièvre du disco. Elles s’achèveront en 1989 sur les fêtes du bicentenaire de la Révolution française. Il semble que, pressé dès ses débuts, le siècle s’achève avec dix ans d’avance. D’autant que la récession économique met fin à l’insouciance un peu factice de la décennie qui s’achève.
Valeur suprême d’une génération de Yuppies (Young urban professionals), l’apparence devient auxiliaire de la performance, quand le besoin de paraitre complète un goût du pouvoir. Après vingt ans d’égarements utopistes, mille ambitions s’emparent de la jeunesse montante. La création vestimentaire comme les activités qui s’y rattachent s’érigent alors en phénomènes de société.
Les créateurs du prêt-à-porter
Brusquement, comme à l’époque insouciante des Années folles, vingt ans avant la fin du millénaire, la mode a resurgi sur un modèle oublié depuis Paul Poiret. Le personnage du jeune créateur est devenu un démiurge. Il a remplacé la star du rock, tandis que le rayonnement du top model se substituait à celui de l’actrice et que les défilés devenaient des spectacles. Prisées, parfois retransmises, toujours médiatisées, les soirées organisées par les grandes marques remplacent beaucoup de manifestations de la vie mondaine.
Le vêtement, signe de reconnaissance
Au jean pour tous ont succédé le chic et le look de quelques tribus regroupées en typologies aux signes de reconnaissance clairement identifiables. Dans cette occurrence, la dépendance de femmes et d’hommes, de plus en plus nombreux, au dernier cri de la mode n’est plus subie. Elle est choisie. Les mauvais esprits prétendront que c’est Pire. Qu’importe, pour une tranche d’âge arrivée à maturité, pourvue de salaires confortables, avide de vaincre et de convaincre, le shopping est un sport, la mode est une compétition, le plaisir s’impose en tout et tout de suite comme une revendication absolue.
Les dilemmes causés par les tendances de la mode
Dois-je porter un sac à bandoulière, une sacoche, un sac à main… Est-il correcte de mettre un chemisier blanc avec un pantalon des sixties…
Le retour vers le passé
Le vêtement de travail avait ressourcé celui des années soixante-dix. C’est le vêtement de fête qui refleurit dix ans plus tard. L’influence de la fripe et du rétro n’est pas pour rien dans cette résurgence du smoking et des robes longues. La génération précédente s’appropriait Bali et Katmandou, les Années folles et le New-Deal. Les années quatre-vingt verront, chez les plus jeunes, un retour vers les stéréotypes des années cinquante et soixante. Devenus quadragénaires, les enfants du baby-boom ne se voient pas vieillir. Médusés, ils voient, érigés en antiquités, les accessoires de leur propre jeunesse.
Tout s’accélère. D’autant que Désormais, impitoyablement orchestrées tous les six mois par le calendrier des défilés, les collections s’assujettissent à un frénétique renouvellement. La mode, qui ressemblait à un jeu, s’aiguise en redoutables concurrences. Talonné par la meute des imitateurs, chacun, pour demeurer en tête, rivalise d’ingéniosité. On est « in » ou on est « out ». Cela ne s’explique pas. Ça se voit tout de suite. Être de son temps dans les années quatre-vingt, c’est s’en différencier. Bien sûr, il y a une mode à vocation unanimiste.